Si son enfance n’a pas été très connue des médias, exception faite qu’il apparaissait parfois aux côtés de ses parents, il en a été tout autre à son adolescence. Le décès de ses pères avait fait les manchettes quelques semaines durant ; la mort de deux politiciens réputés et bien connus dans le milieu ne s’était pas fait sans heurt. Quand ceux-ci prônent des idées radicales et pro-nobles, leur décès lors d’une chasse à l’esclave dans l’underground ne passe pas inaperçu. Certains eurent le culot de souligner l’ironie de la chose, retournant le couteau dans la plaie, d’autres furent plus compatissants, maudissant ouvertement cet esclave qui avait pourtant été aux côtés de Joshua toute sa vie. Comment cette vermine avait-elle pu prendre la vie de deux nobles ? La question se pose toujours et si le corbeau a toujours été dans le sens des amis de ses parents et des membres de sa famille, vouant une haine apparente aux humaines qui lui avait pris ses pères, son cœur disait tout le contraire de ses mots venimeux qui écorchaient sa langue.

Non, son cœur, lui, il hurlait sa joie. Ce n’était pas Mathias qui avait trouvé la mort, mais ces monstres qui lui servaient de paternels et qu’il avait à peine appris à connaître. Son enfance et son adolescence, il l’avait passé en compagnie de l’humain, l’esclave jouant le rôle d’une nounou. Et franchement, s’il avait eu à appeler quelqu’un « père », c’eut été lui plutôt que ces hybrides si nobles dont le travail, disaient-ils, ne leur permettait pas de passer du temps avec leur unique fils. Alors, oui, le sentiment qu’est « l’amour », il ne l’a connu qu’entre les bras de Mathias, quand celui-ci venait le border, et jamais il n’a pu croire ce que l’on racontait en classe. Mathias n’était pas inférieur. Mathias n’était pas une vulgaire chose. Mathias était son monde et quand ses parents l’ont réalisé, il l’a perdu. Ils l’ont envoyé à la chasse, histoire que leur fils cesse ses délusions.

Sauf qu’ils ne sont jamais revenu et Joshua continue d’espérer que Mathias se porte bien, même dans l’underground. Qu’il soit encore vivant pour l’amour de Dieu, si jamais il existe.

L’hybride n’a jamais voulu suivre les traces de ses paternels. Il a même choisi un métier relativement opposé au leur, suivant la voie militaire sous de faux prétextes. « Il faut bien assurer la sécurité de nos nobles citoyens » qu’il clame, répliquant aux récalcitrants : « Je ne laisserais pas d’autres honorables hybrides succombés aux stratagèmes lâches des humains ». Qu’au moins la mort de ses parents puissent être utile, qu’elle puisse servir ses fins, puisque de leur vivant, ils n’ont jamais rien fait pour lui. Elle fait un prétexte plutôt indéniable. Il ne veut que venger ses pères, alors qu’il ne souhaite en réalité que protéger discrètement l’underground et les humains, espérant secrètement pouvoir venir en aide à Mathias.


Ainsi, il a toujours fait de son mieux, il a excellé et à grimper les grades jusqu’au lieutenant-colonel, usant de ses relations sans la moindre vergogne. Ce n’est pas tant les humains qu’il veut protéger, mais un seul d’entre eux. Ils ne sont qu’une autre excuse. Il le sait et l’accepte. Et c’est peut-être pour cette raison qu’il ne répugne pas à mettre un terme à la vie de quelques rebelles inconnus pour garder éloigné les soupçons. Il sauve qui il peut, mais pas toujours.