Quand je t’ai trouvé, tu étais au sol, couvert de bleus, en très mauvais état. Je te portais alors chez moi, appelant des médecins pour t’ausculter et te soigner. Tu étais inconscient pendant presque trois jours, mais je prenais soin de toi. Après tout, quand on recueille un animal abandonné, on le soigne non ? On s’en occupe. C’est ce que je fis pour toi, fasciné par ta beauté presque irréelle à mes yeux. Tu étais donc ma petite perle rare, n’est-ce pas Suzaku ?
Enfin tu te réveillais, m’hypnotisant de ton regard doré. Tu devais être mien… c’est le destin qui nous avait réunis…
Mais je mettais mes désirs égoïstes de côté, voulant avant tout que tu te remettes bien. Je ne te pressais pas de questions, contrairement à toi qui semblais particulièrement inquiet. Quoi de plus normal ? Je te répondais et te rassurais, jusqu’à ce que tu sois un peu en confiance. Tu te rétablissais vite, et tu semblais vraiment reconnaissant envers moi, de t’avoir recueilli. Pendant combien de temps resteras-tu reconnaissant ainsi ? Qui sait…
J’attendais que tu veuilles bien te confier à moi… comment avais-tu fini dans cet état ? Comment t’appelais-tu ? Qui étais-tu ? Tu répondais docilement à mes questions. Tu ne te souvenais plus de comment tu avais bien pu terminer aussi amoché, mais peu t’importait. Sans doute des hybrides nobles qui s’étaient un peu défoulés sur toi, un hybride né de l’union d’un hybride hérisson et d’un humain. Cela ne me dégoûta pas, je ne jugeais pas le choix de tes parents de s’aimer et de t’avoir mis au monde, bien au contraire… grâce à eux j’avais un bel homme qui sera bientôt entièrement mien…
Je revenais à la réalité, écoutant ton histoire. Ta famille était de classe moyenne, aussi, ils avaient les moyens d’avoir un enfant. Tu avais grandi dans l’amour qu’ils te portaient, pendant dix-huit ans, jusqu’à ce que ton père humain ne tombe malade, une maladie incurable qui l’emporta en l’espace de quelques mois. Ton père hybride en fut dévasté, et malgré ton existence, il ne parvenait pas à vouloir vivre. Tu t’occupais de lui, pendant deux ans, essayant de le maintenir en vie, de lui trouver une raison de rester… Mais c’était peine perdu, un bref moment d’inattention de ta part et il était trop tard, il s’était suicidé.
Tu refusais tout héritage et refusais même d’avoir la maison, décidant de vivre dans la rue. Des hybrides nobles, en visite comme moi sûrement, avaient dû te tomber dessus et te battre… ou peut-être d’autres hybrides lambda en manque de défouloir… qui sait, les possibilités ne manquaient pas…
Tu ne me donnais pas ton nom, au lieu de ça, tu me demandais comment tu pouvais me remercier, et je te répondais franchement.
« Sois à mon service jusqu’à ma mort. »C’était clair, et à mon grand étonnement, tu acceptais tout de suite. Tu ne savais pas dans quoi tu t’engageais… heureusement d’ailleurs…
Je faisais de toi mon garde du corps, et à ta demande, je te donnais un nom et un prénom. Je te donnais le prénom de Suzaku, signifiant phénix en japonais, en rapport avec ta personnalité que je devinais loin d’être aussi docile que tu ne le laissais paraître… Et ton nom fut Hogo, signifiant protection, dans la même langue que ton prénom. J’aimais beaucoup le Japon oui…
C’est ainsi que tu entras à mon service. Pour que tu comprennes qu’à présent tu m’appartenais, je te faisait tatouer un phénix dans tout le dos, et t’apposais la marque de mon hybridation au fer rouge, sur le poignet gauche, une pivoine. Toujours à mon grand étonnement… tu ne disais rien et acceptais la situation.
Ta vraie personnalité se manifesta assez rapidement, me plaisant beaucoup. J’aimais cette fierté et cette arrogance que tu montrais… C’était vraiment attirant… Heureusement pour moi, je ne pouvais pas te laisser impuni. Je prenais alors un malin plaisir à te faire comprendre qui dominait, et cela par la souffrance physique. Quelle fut ma surprise quand je vis que tu tentais d’aimer ce que je te faisais subir… avais-tu découvert mes penchants ? Sans doute… vu comme tu essayais de t’y plier… mais pourquoi voulais-tu me faire plaisir à ce point ?
Lors de la première nuit où je te faisais complètement mien, la réponse arriva d’elle-même. Tu m’avouais tes sentiments à mon égard. Un sourire des plus malsains se dessina sur mes lèvres… cette situation était vraiment inattendue à mes yeux… Inattendue et plaisante. J’allais ainsi pouvoir faire ce que je voulais de toi…
Il ne me fut pas bien difficile de te faire croire que tes sentiments étaient partagés. Tu devenais complètement docile et soumis à mon égard, mais qu’en privé… en public tu préférais jouer le fier, sans doute parce que cela t’apportait des punitions quand nous étions seuls. Plus le temps passait, plus je voyais à quel point tu devenais masochiste, juste pour mon plaisir…
Quant à ton métier, tu te battais et te défendais très bien. Personne ne pouvait me toucher ou m’insulter sans que tu ne fasses ton devoir sans que je n’ai à te l’ordonner. C’était une bonne chose, au moins, je ne gaspillais pas ma salive avec toi.
Et puis, vînt enfin le moment où je pouvais te faire souffrir psychologiquement… t’annonçant avec le sourire, pendant un de nos ébats, que j’allais me marier, et que tu n’étais pas l’heureux élu. Tu étais simplement mon jouet, ma propriété, et jouer la comédie pour toi avait été un réel divertissement. Jusqu’à maintenant… je ne me doutais pas à quel point tu pouvais être imprévisible…
***
« A présent tu m’appartiens… tu n’appartiens qu’à moi… mon bel hybride pivoine… mon beau maitre… »C’était la seule fois où je t’appelais ainsi… et tu ne pouvais pas m’entendre, car je m’adressais à ta tête que j’avais soigneusement détachée de ton corps. Tu ne t’attendais certainement pas à me voir te décapiter d’un coup net d’épée, cette épée que tu avais mis entre mes mains pour assurer ta protection… c’est elle qui t’arracha la vie.
J’embrassais tes lèvres froides, souriant alors que des larmes coulaient le long de mes joues… je t’aime, tu le sais ça que je t’aime… évidemment… puisque c’était là ta plus grande distraction : me faire souffrir en me faisant croire, pendant tant d’années, trois ans exactement, que mes sentiments étaient réciproques…
Le jour où tu m’as révélé la vérité, tu pensais sans doute que j’allais rester docile et soumis… malheureusement pour toi… à mes yeux, il était hors de question que tu appartiennes à un autre… tu m’appartenais… autant que je t’appartenais…
J’avais juré de te servir jusqu’à ta mort… pensais-tu à cette époque que ce serait moi qui la causerait ? Bien sûr que non… tout comme moi… Te tuer fut la chose la plus difficile que j’ai faite de ma vie… J’avais mal… la douleur, à la fois violente et douce, d’avoir été trahi et d’avoir mis fin aux jours de l’être aimé…
Alors que je chérissais ton cadavre, j’attendais patiemment que l’on vienne m’arrêter. T’affronter dans la mort ? Pas maintenant… je n’en suis pas capable… plus tard peut être. Enfin la porte du salon s’ouvrit, un de tes serviteurs poussant un cri d’effroi en voyant du sang partout, en voyant ton corps sans tête étalé au sol… en me voyant en larmes et tout sourire, mon front collé au tien.
« Je t’aime… je t’aime à te tuer… »Il ne fallut pas longtemps avant que l’on m’arrache à cette tête, avant que l’on ne m’arrête. La mort ou l’esclavage à vie c’est ça ? Je ne peux pas t’affronter encore… alors ça sera l’esclavage à vie… J’avais aussi besoin de me délecter de cette douleur, cette douce et tendre douleur qui savait aussi se montrer violente… comme toi autrefois. Mon cœur c’était déchiré, tout comme ma raison… c’est sans doute pour cela qu’on ne m’a pas mis à mort directement. Meurtre sans préméditation, sous le coup de l’impulsion… sous le coup d’une passion trop intense dont j’étais l’esclave…
Ah mon amour… tu dois sans doute regretter à présent, de m’avoir volé ma raison… et tu dois sans doute rager aussi… tu dois rager oui, qu’à présent je vais appartenir à un autre. Tu ne seras plus le seul à mes yeux… j’allais pouvoir servir quelqu’un d’autre… le temps de vouloir et de pouvoir te rejoindre…